Vous êtes dans le dossier concernant les autres régionalismes de France et d'ailleurs. Les textes listés ci-dessous sont classés dans l'ordre d'arrivée, le plus récent étant en premier; pour lire les plus anciens, il suffit de dérouler le contenu du dossier (ou utiliser un mot clé).
- Crises de gestion corse et solutions institutionnelles
- Emergence d'une nouvelle expression identitaire du régionalisme en Corse
- La Vendée comme illustration de régionalisme populaire vécu
Crises de gestion corse et solutions institutionnelles EV 3/25
Un peu d'histoire
Début octobre 2024, la Corse est isolée par une grève générale suite à un coup de colère du président de l'Exécutif Gilles Simeoni face aux réticences exprimées par l'État représenté le 3 octobre par le secrétaire général pour les affaires de la Corse (Sgac*) sur un dispositif permettant à la Chambre de commerce (CCI) de continuer à gérer les aéroports et ports de l'île au delà du 31 décembre.
En effet le 1er janvier les Corses avaient prévu de créer un syndicat mixte ouvert (SMO**) afin de gérer les ports et aéroports de l’île. Dispositif qui serait, selon les services de l’État, contraire au principe de mise en concurrence (illustration d'un État petit télégraphiste de Bruxelles) mais choisi par la Collectivité de Corse pour permettre à la CCI de gérer les ports et aéroports insulaires après la date butoir du 31 décembre 2024.
Gilles Siméoni exprime la colère corse, motivée par le refus de l'ouverture à la concurrence, en ces termes: “Cette déclaration-là, c’est une déclaration de guerre. Je vous le redis, pour moi, ce n’est pas négociable, il n’y aura pas de groupes internationaux qui géreront les ports et aéroports de Corse”.
Alors le SGAC amorce une retraite stratégique, l’État est toujours capable d'entendre mais il comprend mieux quand on sait lui parler autrement : "Il ne s'agit aucunement d'une sentence, à l'évidence. C'est simplement l'évocation d'une fragilité juridique qui a été relevée. Effectivement, ça préoccupe fortement les services de l'État, pas uniquement le préfet de région. À la lumière des analyses qui ont été faites sur ce sujet, avec tous les éléments apportés d'une manière plus précise ces dernières semaines et ces derniers jours, il nous a semblé important, tout de même, de s'en ouvrir. C'est simplement ça. En tout cas, ce n'est pas une sentence. C'est simplement un éclairage que l'on vous apporte."
Merci, mais en région nous avons aussi la lumière à tous les étages, c'est le regard qui est différent.
Après 24 heures de blocage total, la ministre Catherine Vautrin s'engage à prolonger le système actuel au-delà du 31 décembre et jusqu’à la mise en place du nouveau modèle.
Résultat innovant le 28 mars 2025: la concession des ports corses devient un projet de rattachement de la CCI à la Collectivité de Corse. Cette solution permet le contrôle local sur des infrastructures essentielles mais elle nécessite le vote d’une loi au Parlement. C'est peut être aussi une entorse au statut des CCI .
Rappelons que Charles Revet, en tant que président du Conseil général de Seine Maritime, avait en son temps innové en achetant le port de Newhaven pour assurer le maintien de la ligne avec Dieppe et l'activité qui en découlait.

Autre problème d'insularité
En marge de cette revendication à caractère portuaire, une autre, plus ou moins liée, à caractère financier est ajoutée.
Il s'agit de la Dotation de continuité territoriale, 50 millions d’euros supplémentaires sont nécessaires pour compenser l'inflation de ces dernières années. Une demande qui restait sans réponse. Les DROM lointains ne
sont pas mieux lotis comme en témoignent les revendications qui font déplacer le ministre Manuel Valls mais pas toujours la ministre Catherine Vautrin ; remarque pour questionner sur la pertinence des périmètres des portefeuilles ministériels.
Depuis septembre 2024, l'assemblée corse est marquée par des inquiétudes relatives au contexte politique mais également financier. La dette de la Collectivité dépasse le milliard d'euros, et les investissements ne sont pas suffisamment ambitieux, selon la droite. Des difficultés qui pèsent d'une part sur l'exécution des contrats des DSP maritime et aérienne et qui, d'autre part, pourraient avoir de graves conséquences à court terme sur la situation économique et sociale de l'île.
Gilles Siméoni prend la parole qui, au passage, explique qu'il ne soit plus indépendantiste :
"La réindexation n'est pas donnée et elle est due, ce n'est pas quémander que de le rappeler. Si cette dotation n'intervient pas, nous serons dans l'impossibilité de maintenir l'exécution des contrats de délégation de service public dans les domaines maritime et aérien. Et si nous sommes dans cette situation, cela veut dire des centaines d'emplois directs menacés....et des milliers d'emplois indirects, des risques de blocage de ports, d'aéroports... ". Le Président veut son milliard pour investir alors que son opposition le veut pour le fonctionnement ; allez comprendre les sous-entendus d'argumentation et d'école de gestion derrière ces prises de parole.
Dans ce contexte, les élus attendent la reprise du projet d'inscription de la Corse dans la Constitution . Traiter la question institutionnelle pour régler, à long terme, la question budgétaire, c'est le défi des prochains mois malgré un gouvernement en situation instable ou, au mieux, à terme de deux ans.
En attendant qu'ils nous expliquent leur vision de l'articulation entre inscription d'un statut dans la Constitution et le développement économique autonome, nous en avons une idée mais la leur peut nous intéresser.
* Combien de régions disposent d'un Secrétaire général qui leur soit dédié???
**Le SMO se présente comme une "quasi-régie", destiné à permettre le maintien d'une gestion publique des structures afin d'éviter une ouverture à la concurrence privée et extérieure. Dans les statuts initiaux du SMO envisagé, il est prévu non pas une gestion directe des ports et des aéroports de Corse par le SMO, mais une subdélégation à la Chambre de commerce et d'industrie.
Si la Collectivité de Corse a attendu d'être au pied du mur pour prendre une décision, l'État a également pris son temps car c'est depuis la loi PACTE de 2019 que l'on parle d'une loi pour lier les Chambres de commerce à la Collectivité de Corse.
Emergence d'une nouvelle expression identitaire du régionalisme en Corse
Présentation du livre de Nicolas Battini pour "Mossa palatina"
Le fait que les candidats du Rassemblement National, lors des législatives de juin 2024, relèguent loin derrière l'expression du seul régionalisme connu jusqu'alors (d'inspiration très à gauche pour ne pas dire marxiste, parfois violent) semble valider ce nouveau regard local; semblable au nôtre, Normand maître chez lui dans le cadre de la France.

30 mars 2019, les portes de la maison d’arrêt de Borgo s’ouvrent. Nicolas Battini vient de purger près de six années de prison pour avoir participé au plasticage de la sous-préfecture de Corte, en avril 2012. La détention n’a pas éteint la flamme nationaliste du jeune Corse, mais la cohabitation forcée avec une population carcérale essentiellement arabo-musulmane, son explosion de joie à l’annonce des attentats islamistes, et notamment au soir du massacre du Bataclan, provoquent en lui une profonde remise en cause. Elle est au cœur de son ouvrage "Le sursaut corse" (Éditions l’Artilleur).
De Marx à Maurras
Très jeune, son attachement charnel à la Corse a conduit Nicolas Battini à intégrer les milieux activistes, alors imprégnés par un nationalisme gauchisant, directement issus du marxisme tiers-mondiste soixante-huitard. Doctrine qui veut que la France soit l’oppresseur, des Corses mais aussi de tous ceux qu’elle aurait opprimés, à commencer par ces taulards largement issus de l’immigration et, pour nombre d’entre eux, musulmans. Mais voilà, le Bataclan repose impérieusement la question de savoir qui est le véritable ennemi des Corses : la France ou cette mouvance islamiste dont le respect de la Corse et de ses traditions n’est pas précisément le projet.
Lorsqu’il retrouve la liberté, son cheminement intellectuel amène Nicolas Battini à rompre avec la lutte armée. Il se rapproche alors des autonomistes de Gilles Simeoni, au pouvoir dans la région depuis 2015, conciliant un attachement toujours fort à la Corse et une rupture avec le nationalisme décolonialiste. Mais c’est sans compter sur l’entourage du très progressiste Simeoni, qui compte notamment une certaine Lauda Giudicelli, militante woke revendiquée avec laquelle l’écriture inclusive, l’idéologie LGBT, l’immigrationnisme et autres « luttes intersectionnelles » entrent en force au sein de l’exécutif corse.
Un conservatisme identitaire
Pour Nicolas Battini, il y a dès lors urgence à repenser en profondeur les bases même de sa vision de la cause corse. En rupture totale avec les idéologies progressistes auxquelles se réfèrent autant les nationalistes que les autonomistes, et qui ouvre la porte à un possible « Corsistan » islamisé, il se réclame désormais d’une forme de conservatisme identitaire, dont il convient de préciser le sens. Alors que la mouvance identitaire continentale prône un « nationalisme européen » (notion, au demeurant, discutée), l’identité dont se réclame Battini est corse et française, enracinement local et attachement national, au sens où pouvaient l’entendre communément un Barrès et un Maurras.
Puisant aux sources du nationalisme corse originel, hérité de Paoli puis du corsisme tel qu’exprimé notamment par le mouvement A Muvra dans les années 1920, Nicolas Battini entend construire une nouvelle voie, une alternative enracinée au progressisme cosmopolite autant qu’au jacobinisme républicain. Traduction concrète de ce projet, l’association culturelle Palatinu a donc vu le jour et, plus récemment, son pendant politico-électoral, Mossa Palatina. Rendez-vous, donc, aux prochaines échéances électorales car, Nicolas Battini l’assure, l’alternative future au progressisme sera identitaire (au sens corse), libérale, conservatrice et populaire.

La Vendée comme illustration de régionalisme populaire vécu
Quelle est cette province de l’âme et de la mémoire qui possède le plus bas taux de chômage de la France ?
Répondre à cette question c'est mettre en évidence les facteurs de création simultanée de l'identité et de la solidarité, avec conséquences entrepreneuriales. EV 23/3/25
A Cholet (Maine-et-Loire le mercredi 12 mars 2025. Nous avons assisté à la renaissance d’une province de l’âme et de la mémoire, une province éphémère née d’une révolte historique en 1793, mais dont on n’a jamais établi l’acte de décès parce que toujours vivante : la Vendée Militaire. Cette terre établie sur le combat contre-révolutionnaire des années 1793-1796, dans une partie des départements poitevins de la Vendée et des Deux-Sèvres au bocage bressuirais, angevins dans les Mauges et le Choletais, et bretons en Loire-Atlantique au Pays de Retz et dans Vignoble lorousain.
Jean-Michel Mousset, chef d’entreprise et président de l’association Grande Vendée y avait rassemblé* élus, chefs d’entreprise et personnalités culturelles, devant plus de 500 personnes, certes pour débattre mais aussi pour constater ce qui unifiait encore, 230 ans après, cette province rebelle qui inquiétera tant la Convention nationale de Robespierre au point qu’elle en décrétera l’extermination.
Tant bien que mal et malgré la volonté nationale d’oublier, voire de nier cette histoire douloureuse, les mémorialistes et historiens locaux, l’Église, les associations et les descendants des victimes ont maintenu la mémoire, jusqu’à ce que soit propulsé ce douloureux souvenir au niveau national : dès 1978 dans la cinéscénie du Puy du Fou** créée par Philippe de Villiers, magnifique hommage aux victimes innocentes, et lors du bicentenaire de la Révolution de 1789
Mais surtout se maintient et vit un état d’esprit sur ce territoire informel quant aux limites administratives !
Une inquiétude pouvait apparaître : l’identité vendéenne à maintenir et surtout à transmettre aux plus jeunes et donc des actions à mener.
Témoignage d'Henry Renoul Journaliste honoraire sur Boulevard Voltaire 23/3/25
Analyse non exhaustive:
La Vendée est un territoire réparti sur plusieurs départements mais aux contours flous dont l'identité s'est forgée dans la douleur et l'honneur. C'est un lieu de mémoire en résonance avec la conception normande du régionalisme que nous promouvons, basé sur le concept de territoire comme lieu de mémoire partagée et source d'intégration communautaire.
Nos différences les plus évidentes avec la Vendée sont :
- une délimitation administrative précise tenant d'une part à une histoire beaucoup plus ancienne et, d’autre part, à l'influence du droit dans l'élaboration d'un État normand que la Vendée n'a jamais eu.
- un ciment populaire né d'une révolte, de combats sanglants et d'une répression génocidaire subie qui soudent autant qu'ils motivent, chose que la Normandie n'a pas eu à connaître, grâce ou à cause, de sa richesse. A ne pas confondre avec les souffrances normandes de 1944 parce que la Normandie était une zone de guerre subie par la faute de considérations géostratégiques n'ayant rien à voir avec une motivation identitaire. Une analyse plus exhaustive ne serait pas sans intérêt.
- Vendée et Normandie ont des histoires mythiques qui forcent l'admiration et la fierté mais l'une semble plus apte à porter vers l'action que l'autre quant à la population en général, car pour les militants il n'y a pas de doute évidemment. Le problème en Normandie est celuii de l'appropriation culturelle généralisée.
Ces remarques illustrant que dans notre histoire de France, les régionalismes ont aussi bien des points communs qui nous rassemblent que des aspects particuliers qui nous personnalisent.

* Reste à passer aux choses concrètes : la création d’un Label "Grande Vendée" pour qualifier des actions originales menées dans cette province de l’âme, l’amélioration de la communication entre ces Grands Vendéens de quatre départements et de deux régions administratives (problème que la Normandie n'a pas). Avec une première réalisation projetée en début de soirée "En verre et contre tout", hymne à l’épopée et au martyre de la Vendée militaire à partir des vitraux des églises, spectacle qu’on peut toujours admirer à la Chabotterie en Vendée départementale. Passage d'un premier rendez-vous à une concrétisation du projet par le rendez-vous déjà pris pour l’an prochain dans un lieu symbolique de la Grande Vendée !
** La Normandie n'a que des millénaires "épisodiquement" et des fêtes de villages en permanence avec groupes folkloriques ou de reconstitution pour exprimer son identité mais pas une scène type Puy du Fou. La cité Viking immersive de Rouen y palit partiellement.